Ce soir, il donne sa conférence.
Il a hâte. Il espère prendre contact avec de nouvelles personnes, il espère
qu’il réussira à faire comprendre qui il est, il espère qu’il pourrait devenir
une référence en la matière et se lier d’amitié avec des personnes qui croiront
en lui.
C’est l’heure! Il prend la route
pour aller donner sa conférence. Il arrive sur place, découvre la salle,
discute avec les organisateurs, prépare son matériel. Ouf! Tout fonctionne. Il
ne reste plus qu’à attendre les invités. Il aime ce petit moment où tout est prêt
et qu’il se réfugie dans ses idées, où il repense brièvement aux principales
étapes de son discours, où il scrute la salle d’un air discret en se demandant
si toutes les places seront occupées. Il aime ce petit moment qu’il s’accorde
en se demandant comment sera perçu son exposé. C’est pour cela qu’il arrive
toujours en avance, pour pouvoir s’accorder ces quelques minutes où des gens
viennent manifester leur intérêt à venir l’écouter alors qu’ils ne le
connaissent pas. Ces quelques minutes de plaisir, à offrir ce qu’il s’apprête à
livrer, ces quelques minutes de questions, ces quelques minutes de doute. Il
est là, seul devant tout le monde. Les yeux dans le vague, il arpente ces
quelques mètres où il évoluera dans un instant, ces quelques mètres qui feront l’estrade
d’où il offrira le contenu de sa vie. Car c’est bien de sa vie qu’il va parler,
ou plutôt de ce qu’il a appris de sa vie.
C’est l’heure. Un texte lu par
l’hôtesse le présente. Il est fier de ce qu’il a fait, de son parcours, de
toutes ces étapes qui lui rappellent qu’il est sorti vainqueur de ces abysses
que la vie a mis devant lui, de ces combats qu’il a livrés contre lui-même. Il voudrait
tant que son message soit perçu et que son expérience et ses découvertes
puissent éviter aux personnes de son auditoire de tomber dans les mêmes
trappes.
Il commence. Une pointe d’humour
pour détendre l’atmosphère puis il enchaîne les diapositives. Chacune d’entre
elle le replongent dans les origines de ces étapes d’où il a tiré cet
enseignement. Le doute, la peur, la tristesse, l’isolement, toutes ces
questions qu’il s’est posées et pour lesquelles il est en train d’exposer les
réponses, ou tout du moins les outils et les cheminements pour les trouver. En
fait, il expose ce qu’il aurait aimé qu’on lui explique quand il en avait
besoin. Alternant pointes de nostalgie et propos amusants, il sait qu’il est en
train de délivrer un message profond. Néanmoins, au fil de son discours, il ne
peut s’empêcher de se demander si celui-ci sera perçu comme il souhaiterait
qu’il le soit, si ces gens attentifs sauront percevoir toute la profondeur, le
pragmatisme, la véracité et la réalité de ses propos. Il sait très bien que
pour certains, il sera un conférencier comme les autres, rien de plus alors
qu’au fond de lui-même, il sait qu’il est différent. Il n’a jamais été fervent
des belles paroles mais plutôt des enseignements efficaces et concrets. Il
s’est toujours employé à trouver « comment faire » pour aller bien
au-delà du « quoi faire. »
Arrivent les conclusions. Certes
il a bien noté plusieurs acquiescements de têtes lors de son exposé, des
réactions silencieuses des personnes qui se retrouvaient dans ses propos, des
regards étonnés de se voir expliquer « comment ça marche, » des
visages rassurés de ne pas s’être déplacés pour entendre une énième fois de
simples belles paroles vite balayées par le retour au quotidien pour prendre finalement
conscience que les lourdeurs de leurs vies sont toujours présentes et aucun
chemin pour les alléger. Quelque part, il sait que son message a été entendu,
par quelques-uns au moins.
Il remercie l’assistance de leur
présence et affiche ses coordonnées. À sa grande surprise, une nuée
d’applaudissements rempli la salle. Les gens viennent lui adresser un dernier
mot avant de quitter. « Merci pour tout ce que nous avez transmis! »
« Je n’ai jamais assisté à une aussi belle conférence! » « Dix
sur dix monsieur, merci beaucoup! » « Vous devriez donner des cours
de psychologie! » « C’est tellement vrai tout ce que vous avez
dit! » Oui, il pense alors qu’il a vraiment réussi, au moins pour
quelques-uns, à transmettre son message.
La salle se vide. Il range son
matériel, échange quelques mots avec les organisateurs qui l’ont accueilli puis
quitte l’endroit avec le sentiment qu’il a réellement ouvert des portes et
redonné espoir à des gens qui en avaient besoin. Il rentre chez lui, seul.
Retrouve son quotidien et ce sentiment de pouvoir en donner encore tellement
plus. Certes il a laissé ses coordonnées à des gens qui les voulaient, mais
aucun contact en retour. Les jours passent et s’invite de nouveau dans sa vie
ce sentiment d’isolement et ce lourd fardeau d’avoir compris tellement de choses
et de voir tellement de gens rester enlisés dans leurs lourdeurs. Pourtant il a
essayé de leur expliquer comment faire pour s’en sortir, mais comment en faire
plus ? Il sait qu’il ne peut pas les « sauver », mais il aurait au
moins aimé pouvoir les aider à se sauver eux-mêmes.
Il aurait aimé que les gens
comprennent des choses bien au-delà de son simple discours. Il aurait aimé que
les gens comprennent qui il est et qu’il a des ressources qui vont bien au-delà
des simples paroles. Il aurait aimé que des gens lui accordent leur confiance
et se fient à lui pour réorienter leur vie. Il aurait aimé ne plus se sentir
détenteur d’un grand nombre de clefs qui ouvrent les portes derrières
lesquelles tellement de personnes restent enfermées. Il aurait aimé… Il aurait
aimé…
Il pense à sa prochaine
conférence. Il a hâte. Il espère qu’il prendra contact avec de nouvelles
personnes, il espère qu’il réussira à faire comprendre qui il est, il espère
qu’il pourrait devenir une référence en la matière et se lier d’amitié avec des
personnes qui croiront en lui…. Il espère… Il aimerait…
Jérôme
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